A la question, la participation d’un médecin à un groupement de coopération sanitaire de moyens (GCS) constitue-t-elle un exercice sur un site distinct de sa résidence habituelle d’exercice (exercice du médecin sur plusieurs sites) ? Le Conseil d’Etat a répondu par la négative dans un arrêt du 2 mars 2020, et précisé que la participation d’un médecin à un GCS n’était pas soumise au régime fixé par l’article R. 4127-85 du code de la santé publique.
Dans cette affaire, un médecin spécialiste qualifié en pathologie cardio-vasculaire qui exerçait déjà à titre libéral avait constitué un GCS avec un centre hospitalier dans le cadre duquel il était amené à travailler une demi-journée par semaine, ce que le Conseil départemental de l’Ordre des médecins de l’Ain avait autorisé par décision du 19 avril 2011.
A l’époque, la version en vigueur de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique était la suivante :
« Le lieu habituel d’exercice d’un médecin est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental, conformément à l’article L. 4112- 1.
Dans l’intérêt de la population, un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence habituelle :
- lorsqu’il existe dans le secteur géographique professionnelle une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ;
- ou lorsque les investigations et les soins qu’il entreprend nécessitent un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants.
La demande d’ouverture d’un lieu d’exercice distinct est adressée au Conseil départemental dans le ressort duquel se situe l’activité envisagée. Le silence gardé par le Conseil départemental sollicité vaut autorisation implicite à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date de réception de la demande. L’autorisation est personnelle et incessible. »
Des médecins, membres d’un groupement de coopération sanitaire concurrent, ont formé un recours contre cette décision du Conseil départemental devant le Conseil national de l’Ordre des médecins qui a procédé à son annulation et refusé au médecin l’autorisation d’exercer son activité de cardiologie interventionnelle au sein du GCS.
Le praticien concerné a alors contesté cette décision devant les juridictions administratives faisant valoir qu’il ne développait pas sa clientèle privée mais qu’il intervenait sur celle du Centre hospitalier. La Cour d’appel ayant fait droit aux prétentions du médecin, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’Etat, pour rejeter le pourvoi du Conseil national, a jugé que l’activité exercée dans le cadre d’un tel groupement (GCS) par un médecin libéral qui en est membre n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique, après avoir rappelé :
« qu’il revient au seul directeur général de l’agence régional de santé d’approuver la convention constitutive d’un groupement de coopération sanitaire de moyens entre un établissement de santé et un professionnel de santé libéral, laquelle précise notamment l’identité de ses membres ainsi que les conditions d’intervention des professionnels médicaux libéraux. » (CE, 2 mars 2020, n°418219).
Le décret n° 2019-511 du 23 mai 2019 qui a modifié l’article R. 4127-85 du code de la santé publique n’a pas d’incidence sur la solution jurisprudentielle précitée puisque, selon la juridiction suprême de l’ordre administratif, la participation du médecin à l’activité du GCS échappe aux règles fixées par l’article R. 4127-85 du code de la santé publique.
Pour rappel, ce décret était venu faciliter la mobilité du praticien :
- en supprimant les deux critères non cumulatifs d’ordre démographique et technique cités supra, et
- en prévoyant que le médecin devait désormais adresser au Conseil départemental dans le ressort duquel se situait l’activité envisagée, au plus tard deux mois avant la date prévisionnelle de début d’activité, une « simple » déclaration préalable d’ouverture d’un lieu d’exercice distinct et non plus demander une autorisation.
0 commentaires