Sanction disciplinaire prononcée par l’Ordre des médecins et circonstances atténuantes

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Celine Hullin

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10.28.2024

Lors d’une procédure ordinale, si la faute commise par un médecin n’est pas contestée, ce dernier peut toujours faire valoir le contexte particulier dans lequel elle est survenue afin que l’Ordre des médecins puissent tenir compte des circonstances atténuantes existantes et alléger ainsi la sanction disciplinaire qui sera prononcée.

Pour rappel, le code de déontologie médicale est composé de règles qui s’imposent à tout médecin.

Aux termes de l’article L. 4121-2 du code de la santé publique, l’Ordre des médecins veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine et à l’observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l’article L. 4127-1.

Le non-respect de celles-ci fait l’objet de sanctions prononcées par les formations disciplinaires du Conseil de l’Ordre (article L. 4124-1 à L. 4124-14, R. 4126-1 à R. 4126-54 du code de la santé publique).

Les sanctions pouvant être prononcées par la juridiction ordinale à l’encontre du médecin ayant contrevenu à la déontologie régissant sa profession sont limitativement énumérées à l’article L. 4124-6 du code de la santé publique :

  • L’avertissement,
  • Le blâme,
  • L’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, d’exercice,
  • La radiation du tableau de l’Ordre.

La chambre disciplinaire de première instance d’Ile de France de l’Ordre des médecins a eu à se prononcer sur la plainte d’un Conseil départemental de l’Ordre des médecins reprochant à un médecin d’avoir rédigé une ordonnance d’antidépresseurs au profit d’une patiente, en son absence et à son insu, à la demande de son époux qui l’a produite par la suite dans le cadre de leur procédure de divorce (CDPI d’Ile de France, décision du 29 décembre 2023, n°11165).

Le Conseil départemental de l’Ordre des médecins se fondait sur une violation des dispositions des articles R. 4127-28 et R. 4127-34 du code de la santé publique.

Selon l’article R. 4127-28 du code de la santé publique « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».

L’article R. 4127-34 du même code prévoit quant à lui que « le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution ».

La chambre disciplinaire de première instance (CDPI) a écarté le grief tenant à la violation de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique, cette disposition ne visant qu’un rapport tendancieux ou un certificat de complaisance et non une prescription.

La chambre disciplinaire a rappelé que l’article R. 4127-34 du code de la santé publique faisait obligation au médecin, lors de la prescription d’ordonnances, de s’enquérir auprès du patient qu’elle était bien comprise et d’attirer l’attention de celui-ci sur les contre-indications et les effets indésirables éventuels, précisant que le respect du devoir d’information impliquait la présence du patient.

Le médecin a fait valoir, lors de la procédure disciplinaire, qu’aucune critique n’avait été formulée sur la présentation, le contenu et la clarté de la prescription et que s’agissant du renouvellement d’un traitement, la compréhension de l’ordonnance par le patient n’était pas censée faire difficulté.

Le praticien avait mentionné l’absence de sanction dans une décision rendue par la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, le 17 février 2000, qui avait eu à statuer sur des faits similaires :

« Le Dr B, généraliste, médecin traitant des époux A… depuis plusieurs années, a reçu le 9 juin 1997 Mme A… qui se plaignait de douleurs abdominales diffuses; qu’il a prescrit une échographie abdomino-pelvienne, laquelle (…) n’a rien révélé d’anormal  (…) ; qu’il a reçu sa patiente le même jour et lui a prescrit du Normacol; qu’il a reçu le 9 juillet 1997 M. A… venu le consulter pour lui-même et que celui-ci lui a fait part de la persistance des douleurs abdominales dont souffrait son épouse sans toutefois mentionner une aggravation de ces douleurs ou d’autres symptômes ; que le Dr B a alors établi pour Mme A… une prescription de Debridat et Kaologeais (…)« .

Le Conseil national de l’Ordre des médecins avait annulé la décision du Conseil régional de l’Ordre des médecins de Rhône-Alpes, en date du 25 avril 1998, infligeant au Dr B la peine de l’avertissement, précisant :

« qu’il ne saurait davantage, dans les circonstances de l’espèce, lui être reproché d’avoir prescrit à cette patiente qu’il suivait depuis de nombreuses années et bien qu’elle ne l’ait pas elle-même consulté à nouveau, des spécialités destinées à soulager les douleurs dont son mari lui avait indiqué la persistance (…) » (CNOM, décision 17 février 2000, n°6984, Dr Robert B).

Si le manquement du praticien a été retenu par la CDPI, cette dernière a été sensible aux circonstances atténuantes présentées par le médecin dans le cadre de sa défense :

  • Bonne foi du médecin,
  • Renouvellement d’un traitement présenté comme le traitement habituel,
  • Absence de plainte de la patiente,
  • Contexte d’activité particulièrement intense en raison de la pandémie et de la pression de plus en plus importantes des patients pour obtenir des ordonnances de renouvellement sans venir en consultation,

et a prononcé un simple avertissement (CDPI d’Ile de France, décision du 29 décembre 2023, n°11165).

 

 

 

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