Le médecin doit faire preuve de vigilance lorsqu’il est sollicité par son patient pour établir un certificat médical. Ce document est loin d’être anodin car il est souvent destiné à être utilisé par le patient dans le cadre de procédures de divorce ou prud’hommale pour démontrer la relation de cause à effet entre une situation vécue par le patient, dans sa vie familiale ou dans sa vie professionnelle, et la dégradation de son état de santé.
Une personne qui s’estimerait lésée par un certificat médical, qui lui semblerait contrevenir aux obligations déontologiques du médecin, dispose de la faculté de former une plainte devant le Conseil départemental de l’Ordre des médecins pouvant aboutir, en cas d’échec de la conciliation, à une action disciplinaire. Trop souvent, les médecins sont, en effet, inquiétés à ce titre alors même qu’ils ont simplement souhaité venir en aide à leur patient.
Les dispositions de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique interdisent la délivrance d’un rapport de complaisance tandis que celles de l’article R. 4127-76 du même code précisent que les certificats médicaux doivent être établis conformément aux constatations médicales que le médecin est en mesure de faire.
Le médecin doit, pour éviter d’enfreindre ses règles déontologiques, faire particulièrement attention lorsqu’il retranscrit les doléances de son patient, en énonçant qu’il s’agit des déclarations de ce dernier et recourir systématiquement à l’usage du conditionnel et des guillemets, sans se prononcer sur les dires du patient ou la responsabilité d’un tiers. Le mot « harcèlement » est donc à éviter alors que l’emploi des termes « aux dires de » et « me dit-on » sont, par contre, à privilégier puisqu’ils permettent de retranscrire les propos du patient tout en s’en démarquant.
Le praticien doit donc se limiter uniquement aux faits médicaux personnellement constatés et en aucun cas mettre en cause un tiers ou attribuer la responsabilité de troubles de santé du patient à un conflit professionnel ou familial.
C’est ainsi qu’un médecin psychiatre qui avait remis à sa patiente plusieurs certificats médicaux affirmant l’existence d’un lien de causalité entre le syndrome anxio-dépressif dont elle souffrait et le milieu professionnel de cette dernière a été sanctionné d’un avertissement par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins. Un des certificats délivrés mentionnait « un état anxio-dépressif réactionnel à une situation de conflit avec l’un de ses employeurs » tandis qu’un autre faisait état d’« une décompensation anxio-dépressive réactionnelle à une situation de conflit professionnel ». Les certificats postérieurs, reprenant des mentions similaires, affirmaient également le lien de causalité directe entre l’affection dont était atteinte la patiente et son milieu professionnel. La juridiction disciplinaire a rappelé que le médecin qui établit un certificat médical doit se borner à faire état de constatations médicales qu’il a effectuées et que s’il peut rapporter les dires de son patient relatifs aux causes de l’affection ou de la blessure constatée, il doit veiller à ne pas se les approprier, alors qu’il n’aurait pas été en mesure d’en vérifier la véracité (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 19 juillet 2018, n°13557).
Sur les mêmes fondements, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a sanctionné un médecin ayant établi deux certificats pour ses patients, en litige avec le propriétaire de leur logement, faisant état des affections constatées chez eux et indiqué pour chacun qu’elles étaient liées « à l’insalubrité de son domicile ». La juridiction disciplinaire a jugé que le praticien, en s’appropriant les propos de ses patients relatifs aux origines des atteintes qu’ils présentaient, sans s’être assuré lui-même de leur véracité, avait méconnu les dispositions des articles R. 4127-28 et R. 4127-76 du code de la santé publique et prononcé la sanction de l’avertissement (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 27 novembre 2018, n°13345).
De même, le médecin, sollicité pour la rédaction d’un certificat médical, doit demeurer prudent et ne pas hésiter à refuser si ce qui lui ai demandé le conduit à s’immiscer, sans raison professionnelle, dans les affaires de famille ou dans la vie privée de son patient, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article R. 4127-51 du code de la santé publique.
Une telle situation nécessite de ne jamais se départir de son impartialité et de se garder de donner son avis, par exemple, en intervenant sans justification dans un conflit conjugal.
A titre d’illustration, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a reconnu la violation de l’interdiction d’immixtion dans les affaires familiales par le médecin qui, informé de la mésentente existante entre les parents s’agissant de la garde de leur enfant, avait tiré du constat objectif de l’allaitement la conséquence que cette circonstance imposait que l’enfant ne soit pas séparé de sa mère en remettant à cette dernière un certificat rédigé dans les termes suivants « la mère de l’enfant, née le 4 novembre 2011, allaite sa fille. L’enfant doit donc rester avec sa mère pour être nourrie au sein au moins matin et soir, et la nuit si besoin ». Le praticien s’est vu infliger par la juridiction disciplinaire la sanction de l’avertissement (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 20 février 2018, n°13121).
La ligne rouge peut donc être aisément franchie par un médecin qui cherche à rendre service à son patient, risquant, de ce fait, d’engager sa responsabilité, principalement sur un plan disciplinaire, mais également civile et pénale.
Les sanctions les plus souvent prononcées par la juridiction disciplinaire sont celles de l’avertissement ou du blâme. Ce n’est que dans les situations les plus graves qu’une peine plus lourde telle que l’interdiction d’exercer peut-être infligée au praticien. Tel a été le cas pour un praticien ayant rédigé un certificat ayant entrainé l’internement du mari sans examen de celui-ci (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 20 juin 2013, n°11515).
La meilleure façon de se prémunir contre les risques de contentieux consiste à suivre quelques conseils simples : savoir, dans la mesure du possible, à qui est destiné le certificat et/ou connaître la raison pour laquelle le patient le demande, n’indiquer que les faits médicaux personnellement constatés, prendre de la distance avec les doléances du patient en ne les retranscrivant que si nécessaire et avec prudence, et surtout n’établir aucune cause à effet entre les dires du patient et les troubles constatés.
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